Lettre de Monsieur Rivoire Toussaint des Granges sur Beaumont Monteux du 20 mars 1863 sur la construction du viaduc de Vernaison au journal.

"Courrier de la Drôme et de l'Ardêche".

Monsieur le Rédacteur,

- A la fin d'août dernier, je vous donnai quelques détails sur le viaduc de Vernaison qui on commençait. Aujourd'hui, j'ai cru vous être agréable de vous faire connaître à cet égard les résultats obtenus et qui sont des plus significatifs. La forme de ce viaduc de Vernaison est parfaitement dessinée sur le terrain d'exécution, et les onze piles, plus deux culées dont il se compose, s'élèvent déjà pour la plupart à une hauteur de sept à huit mètres au dessus du sol leurs fondements ont été hérissés de difficultés, surtout pour celles qui se trouvent au milieu de l'Isère et en terre ferme sur la rive gauche . Ces dernières sont assises sur un terrain aqueux, qui lorsqu'il s'agissait de l'ouvrir pour établir une base, cédait passage souterrain à une infinité de filets d'eau qui contrariaient vivement les travailleurs, occasionnaient des éboulements dans les parois des bassins qu'on était obligé d'étayer à mesure que les travaux de défoncement avançaient et pour arriver à un gisement solide, il fallait s'enfoncer à une profondeur extraordinaire.

- Quant aux deux piles qui s'élèvent au milieu de la rivière, une forte crue d'eau ayant déterminé de graves avaries dans l'action de pilotage en bois pour les caissons, en substituant un pilotage en fer qui a parfaitement réussi à remplir toutes les conditions de solidité désirables. A cet incident s'en joignit un autre plus difficile à résoudre. La rivière en cet endroit coule sur un lit de marne , trop dure pour donner prises à la drague et trop tendre pour asseoir directement les fondements des deux piles à sa surface ; aussi le génie a-t-il été obligé de recourir aux mesures extrêmes. Il a fallu songer a créer deux caissons assainissables au fond desquels des travailleurs à bras puissent aller avec le pic et la pelle remplir l'office de la drague.

- Pour parvenir à ce but, on a construit les parois des caissons à double rangées de pilotis et de platelage, ménageant entre ces deux lignes circulaires, une gaine régulière d'un mètre quarante centimètres à peu près de largeur, dans laquelle on a coulé un béton en terre glaise qui interceptait toute espèce de contact extérieur avec l'intérieur du caisson. Devenu maître du terrain sur lequel on voulait l'établir par cette forme de rempart de circonvoluation , cinq pompes à vapeur en opéraient le dessèchement, ouvrant la voie aux travailleurs , qui ont pu sans inconvénient descendre jusqu'au fond de la rivière et défoncer son lit marneux. Ces vastes bassins, une fois creusés à leur profondeur requises, on a pu y couler le béton à sec qui a immédiatement acquis la solidité d'un rocher. C'est de cette base massive que commencent à s'élancer les deux piles du milieu de l'Isère et sont déjà à un degrés d'élévation que les plus grosses eaux ne pourront désormais atteindre. Tous les obstacles qui ont jusqu'à présent apporté quelque retard à l'éxécution de cette grande entreprise, sont vaincus; la maçonnerie suit son cours régulier et les travaux avancent.

- Ce viaduc aura, dit-on, une hauteur de 45 mètres . Lélévation en effet des deux chaussées sur le plateau des rives, paraît justifier pleinement cette assertion. Je pourrais encore vous citer. Monsieur le rédacteur, une foule de détails intéressants qui se rattache à cette construction , mais je crains de tomber dans la proxilité, je termine donc là ma lettre en vous priant , si vous le jugez convenable , de lui accorder une place dans les colonnes de votre estimable journal .

Agréez, Monsieur le Rédacteur, Rivoire Toussaint

Le viaduc de Vernaison.

- Le plan d'occupation pour les travaux du viaduc en 1862